C’est par milliers que la Méditerranée engloutit les cadavres de ces immigrés qui essayent de s’échapper de l’enfer, aux quatre coins du globe. Face àcette situation, nous sentons bien qu’une réaction humaine ne peut être que de venir au secours de ces êtres humains en détresse. Oui, mais voilà, l’on se dit en même temps : que va-t-il se passer ? L’Europe ne risque t-elle pas de voir une véritable invasion ?
Il y a tellement de gens, de partis politiques, qui nous disent qu’il y a déjà trop d’immigrés. Oui, aujourd’hui, la population en Europe est prisonnière de ces peurs. Peur de perdre son travail, peur de voir l’économie se désorganiser, peur même de perdre son identité.
Nous nous sentons coincés parce que nous avons accepté trop de choses, depuis trop longtemps, du système en place. Ce système nous dit qu’il est le meilleur au monde, le plus respectueux des droits de l’homme. Mais en réalité, ce monde est construit et ne vit que sur toute une cascade d’inégalités, d’injustices.
Ce système a longtemps profité du travail des immigrés. Jusqu’à il y a 50 ans, l’Etat allait chercher ces immigrés chez eux, au Maroc, au Sénégal, par milliers. C’était une main d’œuvre idéale pour les travaux sales, mal payés. Il était plus facile de faire faire ce travail àdes travailleurs sans racines, sans liens avec la population, sans moyens de se défendre collectivement.
Les immigrés sont devenus un rouage essentiel du système. Car les patrons, l’Etat, se servent d’eux pour faire comprendre à la grande majorité des autres, qui sont mal payés, ou qui travaillent dur : «ne vous plaignez pas, regardez, il y a pire!» Et on nous a appris à mépriser l’émigré, au lieu de voir en lieu un travailleur.
La crise de 2008 est venue des banquiers, qui se sont mis eux-mêmes en faillite par leurs magouilles. La crise a aggravé le chômage. Mais ce sont les immigrés qu’on a accusés de la montée du chômage. Et si nous devons payer plus d’impôts, voir les salaires bloqués, c’est pour renflouer l’Etat qui a sauvé les banques.
L’immigré a bon dos; il sert régulièrement de bouc émissaire. En France, nous sommes des millions à avoir des parents, des grands parents, qui ont été des émigrés. Ils sont arrivés, eux aussi, dans des conditions dramatiques, mais ils sont arrivés.
Aujourd’hui, l’Europe, la France la première, a mis en place un mur invisible pour interdire aux pauvres d’y entrer. On a obligé les pays alentour, le Maroc et bien d’autres, à tout faire pour rendre impossible un départ vers l’Europe. On interdit de venir légalement, après quoi on dénonce les passeurs qui en profitent !
On nous répète que nous faisons déjà beaucoup, que nous ne pouvons pas héberger tout le monde. Mais si l’on prend l’exemple de la guerre en Syrie, la France a accueilli 4 500 réfugiés. Un petit pays comme le Liban, avec 4,5 millions d’habitants, en a reçu sur son sol 1 200 000.
L’idée d’invasion n’est qu’une peur. C’est simple : même si un million de personnes arrivaient en Europe, cela signifierait que la population du continent va augmenter de 0,2 %, puisque nous sommes 500 millions d’Européens. L’Europe est riche, et comprend beaucoup de riches. Mais même si l’on devait partager entre nous, gens modestes, pour permettre aux arrivants de vivre, cela coûterait à chacun de nous... 3 ou 4 euros par mois, 0,2 % de nos salaires.
Beaucoup d’émigrés partent de Libye. La Libye, la France, l’Europe, y ont fait la guerre en 2011. Alors, la moindre des choses est qu’ils assument. Et la moindre des choses pour nous est que nous ayons un comportement humain, que nous insistions pour qu’on aille au secours des gens en détresse. En attendant de reposer le problème d’une véritable aide de ces populations, qu’on a beaucoup exploitées jusqu’ici.
On nous divise pour mieux régner. A nous de ne pas nous laisser devenir inhumains.
L’Ouvrier, 20/4/2015
L’OUVRIER BP 64 - 94202 IVRY/SEINE CEDEX
Diffusé par Organisation Crommuniste Libertaire