Après la catastrophe nucléaire japonaise, sommes-nous à l’abri ?
C’est la question que se posait le journal l’union dans son édition du 15 mars 2011. Pas moins de 3 articles pour essayer de nous rassurer : un relatant la conférence de presse du responsable de la sécurité civile au cabinet du Préfet de région, un interview du directeur la centrale Nogent-sur-Seine et un sur les plans d’urgence si un accident se passait à Chooz. Pour le directeur de Nogent, «l'ensemble des centrales françaises sont conçues pour résister à un séisme deux fois plus puissant que le séisme maximum rencontré en 1000 ans. La centrale de Nogent a été construite pour faire face à une intensité de 6,5 sur l'échelle de Richter (loin des 9,1 lors su séisme japonais). A Nogent, un tsunami est complètement inimaginable. En revanche on se protège du risque inondation. La plateforme sur laquelle a été édifiée la centrale de Nogent a été remontée de plusieurs mètres, en fonction de la hauteur maximum qu'a pu atteindre la Seine sur les 1000 dernières années. Les centrales japonaises sont des centrales dites à eaux bouillantes, elles disposent d'un seul circuit qui transmet l'eau chauffée directement sur la turbine pour produire de l'électricité, alors que nous, nous avons deux circuits». Si cela devait un jour advenir, deux circuits de décision sont prévus : l'un appelé Plan d'urgence interne (PUI), l'autre Plan particulier d'intervention (PPI). Le premier nommé, placé sous la responsabilité de l'exploitant de la centrale, en l'occurrence EDF, «est destiné à ramener l'installation dans un état sûr et à limiter les conséquences de l'évènement sur les personnes, les biens, le site et l'environnement». «S'il s'avère qu'un évènement puisse représenter un risque potentiel pour les populations, les biens ou l'environnement en dehors de l'enceinte su site de production», le préfet passe la deuxième et déclenche alors le PPI, destiné à protéger la population. "On s'entraîne six fois par an et on a des exercices en taille réelle avec la préfecture une fois tous les trois ans". Une chose est sûre, ce plan concerne un périmètre de 10 km autour de la centrale de Chooz (pour le Japon, au moment où sont écrites ces lignes, la population est évacuée dans un rayon de 30 km). L'intégralité de la Pointe des Ardennes est donc concernée, de la frontière jusqu'à Haybes, pour un total de quinze communes. Plus sept côté belge. «Si il y a un incident nucléaire à Nogent-sur-Seine par exemple, dans l'Aube, ce sera le préfet de l'Aube qui prendra la direction des opérations de secours pour assurer la sécurité des citoyens sur le territoire de l'Aube. A l'échelle régionale, après, évidemment, théoriquement, effectivement, le préfet de région peut coordonner l'ensemble des préfets de département si on a un problème régional. Le préfet de Région n'est pas le supérieur véritablement des préfets de département mais il peut coordonner leurs actions afin que ce soit le plus cohérent possible. Notamment, il paraîtrait inconcevable que le préfet de l'Aube incite à l'évacuation et le préfet de la Marne au confinement». Mais pour Chooz et Nogent, la Belgique et la région Ile-de- France seraient concernées. Quid ? Pour la protection civile, le problème deviendrait vite national et serait donc rapidement pris en charge par le ministère de l'Intérieur. Mais alors que les Ardennes et l'Aube possèdent des plans Orsec Rad (pour radiation), très précis et détaillé en ce qui concerne la protection et l'évacuation des populations, rien de semblable n'existe pour la Marne.
Comme d’habitude, on nous prend pour des cons : la France est la meilleure dans le domaine du nucléaire civil, rien de comparable avec ce qui s’est passé à Three Mile Island aux USA, Tchernobyl et à Fukushima Daiichi ne peut se passer en France et de toute façon, vous pouvez nous faire confiance, on a tout prévu. Même l’imprévisible !
«En 2003, des agents de la centrale devaient intervenir dans un local sur un robinet REN 275 VP, parfois seulement appelé 275 VP. En arrivant dans le local, ils se trompent et interviennent sur le RCV 275 VP. Résultat : une fuite et un écart déclaré à l'Autorité de sûreté du nucléaire. Quand il y a un accident, il y a toujours plusieurs causes mais la dernière reste toujours l'homme. Comme chez les pompiers, avant de partir sur une intervention, un «préjob briefing» se tient. On décide qui va faire quoi et comment. On évalue les risques et prévoit les parades. On a aussi mis en place la minute d'arrêt. Ce sont des actions simples comme vérifier qu'on se trouve au bon endroit avant d'intervenir», raconte la nouvelle responsable facteur humain à la centrale de Nogent lors d'une conférence organisée par la commission locale d'information.
Depuis 2006, les centrales françaises auraient renforcé leurs pratiques de fiabilisation. Ces pratiques auraient permis de réduire de moitié les écarts, ces événements moins graves qu'une anomalie ou un incident. L'enjeu reste le même : éviter l'accident. Pour cela, une solidarité internationale s'est mise en place. «Nous bénéficions non seulement du retour d'expérience des centrales françaises mais aussi des autres exploitants avec qui les échanges sont très nombreux. Tout cela doit permettre d'assurer la sûreté et la sécurité pour éviter le moindre impact sur l'environnement», assure le directeur de la centrale. L'autorité de sûreté du nucléaire, chargée de surveiller et d'évaluer le fonctionnement de la centrale, accorde elle aussi une grande importance aux facteurs humains et organisationnels. «L'analyse des incidents révèle qu'entre 75 et 80 % des événements, quelle que soit leur gravité, ont une cause humaine. Pour contrer les erreurs de l'homme il faut donc mettre en place une organisation, une série de barrières». Franck Debouck, expert en aéronautique pour Air France, indique que pour un accident majeur, il existait auparavant 600 précurseurs. «Il faut accepter les faiblesses, accepter de les signaler pour mettre ensuite en place les parades. On ne peut pas empêcher l'erreur mais on peut éviter qu'elle conduise à une catastrophe».
En février 2010, l'Autorité de sûreté nucléaire a collaboré à l'écriture d'une circulaire ministérielle relative à la maîtrise de l'urbanisation autour des installations nucléaires de base. L'objectif de cette mesure vise à «éviter qu'il y ait une trop forte augmentation de la population» aux abords d'une centrale, ainsi que l'installation d'établissements sensibles tels que les crèches, maisons de retraite, prisons, hôpitaux, et ayant donc des populations difficiles à déplacer en cas «d'accidents à cinétique rapide». La maîtrise de l'urbanisation, dont le rayon d'application correspond au périmètre de danger immédiat, devrait permettre en outre de ne pas aggraver la situation existante, notamment pour la mise en œuvre du Plan particulier d'intervention. «Si le plan est, par exemple, prévu pour évacuer 2 000 personnes et que le périmètre passe à 5 000 ou 10 000 personnes, c'est beaucoup plus difficile à gérer». A Nogent-sur-Seine, la position de la centrale par rapport à la ville fait du site un cas particulier. En effet, une partie de la commune entre dans le périmètre de danger immédiat qui est de deux kilomètres autour du site, alors que le reste de la commune n'est pas concerné par cette délimitation. Par souci de simplicité toutefois, l'ancien préfet de l'Aube a décidé d'englober toute la ville dans ce dispositif de sécurité. Le périmètre de deux kilomètres autour de la centrale a été étendu à 4,5 kilomètres. Conséquence directe, certaines communes alentours ont estimé qu'elles n'étaient pas logées à la même enseigne et lésées, car non averties en cas de problèmes. Le préfet a donc également accepté d'étendre le «périmètre de mise en protection réflexe» aux bourgs voisins, afin de «loger tout le monde à la même enseigne».
Selon le nouveau directeur de la centrale, en termes de sûreté, 16 événements ont été enregistrés, contre 19 en 2009. A part une anomalie de niveau 1 (une concentration trop importante dans un réservoir qui n'avait pas été détectée assez rapidement), les autres étaient des écarts de niveau 0 sur l'échelle INES qui en compte 7. Entre les 18 inspections de l'ASN et d'autres contrôles, la centrale a fait l'objet de «200 à 210 jours de visites». Six événements significatifs environnementaux sans impact ont été déclarés. «Cinq sont relatifs à des pertes de fluide frigorigène sur des climatiseurs, dans la partie non nucléaire. Un programme de rénovation et de remplacement est en cours. L'autre événement est lié à un écart d'exploitation au sein du bâtiment de traitement des effluents». Cinq accidents du travail se sont produits, dont 50 % de plain-pied. Un accident grave a été déploré : un outil reçu dans l'œil. La limite réglementaire de la dosimétrie aurait été respectée. 50 personnes ont été embauchées en 2010 : deux tiers de remplacements et un tiers de nouveaux postes.
Lors du CHSCT de février 2011, (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les élus ont lancé un droit d'alerte pour danger grave et imminent dans la section prévention radioprotection. 2 "presque accidents" ont eu lieu le 6 mars et le 19 mars. Pour le premier, deux balises mobiles de mesures de l'iode radioactif à l'intérieur du bâtiment, qui accueille le réacteur, sont en cause. Placées respectivement à 6,60 m et 22 m, elles n'ont pas fonctionné pendant 18 heures au moins. En cas de présence d'iode en quantité beaucoup plus importante, leur non-fonctionnement simultané aurait pu être à l'origine de contamination. Pour le second, 27 m3 d'eau potentiellement radioactive du réseau de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) se sont écoulés dans le bâtiment réacteur n° 1.
Pression sur les salariés, climat de terreur chez les prestataires à la centrale nucléaire de Nogent
Dernièrement, l'Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), lors de la présentation de son rapport suite à ses inspections à la centrale EDF de Nogent-sur-Seine, jugeait «satisfaisante» l'exploitation de la centrale en matière de sûreté et de radioprotection. Cependant elle soulignait que «des efforts restent à poursuivre pour améliorer la rigueur d'exploitation». L'ASN notait notamment que le suivi des actions correctives n'est pas assez rigoureux en particulier dans le génie civil où certains défauts détectés il y a plusieurs années ne sont toujours pas réparés. L'ASN indiquait également que les inspections de chantiers réalisées lors de la visite décennale ont révélé des lacunes en matière de propreté radiologique, de sécurisation des chantiers, d'évacuation des déchets et de la lutte contre l'incendie. Pour la CGT, ces manquements sont à rapprocher de la situation sociale au sein de la centrale, notamment chez les sous-traitants. Elle dénonce «une pression permanente, un volume de travail en augmentation, des habilitations sur un coin de table, des contrats renouvelés en permanence. Cela donne des agents déstabilisés et pour beaucoup non formés. Il faut prendre en compte le facteur humain dans les risques pour la sécurité». En conséquence le syndicat doute des possibilités de s'améliorer sur les points mis en exergue par l'ASN. «A partir du moment où il règne chez les entreprises prestataires un climat de terreur, des problèmes de formations, cela semble difficile». Lors du dernier Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) les délégués syndicaux CGT ont quitté la table des négociations. Les syndicalistes ont seulement lu une déclaration accusant la direction d'effectuer des entraves et des pressions sur les salariés qui ont saisi les membres CGT du CHSCT. «A période régulière des lettres recommandées sont envoyées suite à des faits complètement anodins. C'est récurrent et un moyen de faire pression et de maintenir l'asservissement des salariés».
Pour la première fois depuis six ans, les cinquante-huit réacteurs d'EDF sont tous raccordés, au même moment, au réseau électrique français. Avec ses dix-neuf centrales nucléaires en fonctionnement, le groupe produit aujourd'hui près de 60 millions de kWh. En 2010, sa production, 408 TWh, a progressé d'environ 5 % rapport à 2009, ce qui a permis à la France de redevenir exportatrice d'électricité. La loi relative à la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) doit permettre d'ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence des opérateurs privés en obligeant EDF à revendre 25 % de sa production d'électricité nucléaire à ses concurrents. Pour les consommateurs, particuliers ou collectivités, cela risque de se traduire par une hausse de la facture dès 2011 de plus de 7 à 11 %.
Mais, depuis début mars, a débuté, comme tous les dix-huit mois, un nouvel arrêt programmé de l'unité de production n° 1 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Il a pour objectif de procéder au renouvellement du tiers de son combustible et effectuer un programme léger de maintenance et de contrôle sur les matériels. Le dimanche 6 mars, aux alentours de 8 h 30, une des balises mesurant la radioactivité s'est déclenchée. Après l'unité de production n° 1 de la centrale nucléaire, c'est la seconde unité qui devrait subir, durant l'été, un arrêt pour effectuer un simple rechargement du combustible.
Extension de la décharge de Beine-Nauroy et déchets nucléaires
Les travaux ont démarré à la décharge de Beine-Nauroy, qui va passer de 25 hectares à près du double. Selon le président de l'association de défense de l'environnement de Pontfaverger et sa région, «on ne voit pas très bien ce qui justifie cette extension, d'autant que désormais, les déchets ménagers ne viennent plus ici mais sont incinérés à La Veuve. On nous parle de palettes, mais on a du mal à imaginer que le nombre de ces palettes justifie un doublement de la surface ; on nous parle aussi de biomasse, mais ça ne nous convainc pas davantage, car la biomasse s'obtient à partir des déchets ménagers, qui ne viennent plus. Nous nous demandons effectivement si ce n'est pas pour accueillir des déchets radioactifs dans la perspective de la fermeture du CEA (commissariat à l'énergie atomique) de Moronvilliers (commune de Pontfaverger), prévue dans quatre ans. On se demande bien pourquoi on a décidé brusquement, il y a trois ans, de fermer ce CEA, alors qu'on y a investi beaucoup d'argent, 176 millions d'euros entre 2000 et 2010. C'est quand même curieux… Dans le même ordre d'idée, on aimerait bien savoir pourquoi le puits d'alimentation en eau potable de Beine-Nauroy a été fermé, il y a une dizaine d'années. Pour nous, il n'y a que deux hypothèses plausibles : soit c'était à cause de la décharge de Beine, soit c'était à cause du CEA de Moronvilliers. Mais si la décharge était en cause, l'administration aurait probablement pris des mesures contre elle. Donc on retient plutôt la seconde hypothèse».