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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 11:10

Cet arrêt du 19 janvier 2012 de la Cour européenne des droits de l'homme concerne une famille originaire du Kazakhstan, demandeuse d'asile, pour laquelle la préfecture des Ardennes a tenté de la reconduire dans leur pays, avant que celle-ci n'obtienne le statut de refugié.

Voici quelques extraits de l'arrêté :

b) Appréciation de la Cour
102. Il ressort de ce qui précède que les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confrontés à une forte présence policière, sans activités destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge. Les deux enfants, une fillette de trois ans et un bébé, se trouvaient dans une situation de particulière vulnérabilité, accentuée par la situation d’enfermement. Ces conditions de vie ne pouvaient qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme.
103. Ainsi, compte tenu du bas âge des enfants, de la durée de leur détention et des conditions de leur enfermement dans un centre de rétention, la Cour estime que les autorités n’ont pas pris la mesure des conséquences inévitablement dommageables pour les enfants. Elle considère que les autorités n’ont pas assuré aux enfants un traitement compatible avec les dispositions de la Convention et que celui-ci a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. Partant il y a eu violation de cet article à l’égard des enfants. (...)
119. En l’espèce, les membres de la famille étaient maintenus en rétention administrative du fait du caractère illégal de leur séjour en France, dans un lieu inadapté à la situation d’extrême vulnérabilité des enfants (paragraphes 93 et suivants ci-dessus). La Cour considère, à l’instar de l’affaire Muskhadzhivyeva et autres précitée que, en dépit du fait qu’ils étaient accompagnés de leurs parents et même si le centre de rétention prévoyait une aile d’accueil des familles, que la situation particulière des enfants ne fut pas examinée et elles n’ont pas non plus recherché si le placement en rétention administrative était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune alternative ne pouvait se substituer. Ainsi, la Cour estime que le système français ne leur a pas garanti, de manière suffisante, de droit à la liberté. (...)
124. En revanche, la Cour note que la loi ne prévoit pas que les mineurs puissent faire l’objet d’une mesure de placement en rétention ; ainsi, les enfants «accompagnant» leurs parents tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer le recours garanti à leur parents. En effet, les enfants n’ont pas, en l’espèce, fait l’objet d’un arrêté préfectoral prévoyant leur expulsion que ceux-ci auraient pu contester devant les juridictions. De même, ils n’ont pas non plus fait l’objet d’un arrêté prévoyant leur placement en rétention administrative et le JLD n’a ainsi pas pu se prononcer sur la légalité de leur présence au centre de rétention administrative. La Cour considère en conséquence qu’ils ne se sont pas ainsi vu garantir la protection requise par la Convention. (...)
142. La Cour relève que la pratique française de maintenir les familles en instance d’expulsion dans des lieux de privation de liberté est mise en cause et que la France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs migrants accompagnés (rapport de la commission LIBE, paragraphe 62 ci-dessus).
(...)

PAR CES MOTIFS, LA COUR,
1. Déclare, à l’unanimité, les requêtes recevables quant aux griefs tirés des articles 3, 5 et 8 de la Convention concernant la détention des requérants en centre de rétention administrative ; (...)
3. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à l’égard des enfants, concernant la rétention administrative ; (...)
6. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention pour l’ensemble des requérants concernant la rétention administrative ;
7. Dit, à l’unanimité,
a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme globale de 10 000 EUR (dix mille euros), pour dommage moral et 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; (...)

La France va-t-elle arrêter de placer des enfants en rétention ? Non ! Peut être fera telle attention à ce qu'ils soient placés en rétention pour une durée très courte (comme ce fut le cas pour la famille du Kosovo de Châlons-en-Champagne expulsée cette semaine (moins de 24 h)...

Affaire à suivre.

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