En 2002, Nestlé France (quatorze unités sur le territoire et près de 6 000 emplois à l'époque) engage une
«restructuration» de ses effectifs. L'un des dispositifs utilisés répond au doux sigle de CATS (Cessation d'activité des travailleurs salariés). En résumé, une pré-retraite financée pour moitié
par l'entrepreneur et par l'Unedic pour l’autre. Nous sommes en 2002, trois des syndicats représentés chez les géants de l'agroalimentaire signent un accord avec l'industriel. FO et la CGT
refusent d'avaliser cette mesure de dégraissage.
En 2003 et l'année suivante, 321 salariés quittent Nestlé France via le dispositif CATS. Lequel prévoit de
verser jusqu'à la retraite des bénéficiaires 70 % d'un salaire qualifié de «salaire de référence».
En 2005, les syndicats signataires de l'accord considèrent finalement ce texte trop
opaque. Le salaire de référence doit inclure selon eux les primes de juin, le 13e mois et les sommes, même anciennes, qui devaient être versées l'année de départ du salarié. Le tribunal de grande
instance de Meaux est appelé à trancher. Son jugement : accord pas clair. Les sommes invoquées doivent être intégrées. Au passage, Nestlé est condamné à verser à la partie adverse 10 000 euros de
pénalités par jour de retard dans la mise en œuvre de la décision.
En 2006, Nestlé écrit aux 321 salariés concernés par le CATS. Il leur est annoncé qu'un
nouveau calcul du salaire de référence est en cours. Dans le même temps, l'entreprise leur recommande de conserver les sommes versées car si au fond, la justice finit par donner raison à
l'industriel, il réclamera les trop perçus. Les syndicats constatent que l'exécution provisoire prononcée en 2005 est restée lettre morte. Ils saisissent le juge. Lequel enjoint Nestlé de verser
1,2 million d'euros aux organisations syndicales. Et fixe au passage la nouvelle astreinte à 12 000 euros par jour. Nestlé a fait appel.
En 2007, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement de Meaux.
Le 18 février 2009, les magistrats de la Cour de cassation estiment que l'accord de 2002 est parfaitement
clair. Ils mettent un terme à la procédure et condamnent Nestlé à une astreinte de 20 000 euros par jour.
Nestlé et les syndicats, même ceux qui n'ont pas signé l'accord, s'opposent depuis bientôt 10 ans. Le
premier pour récupérer les sommes qu'il estime avoir trop versé (Nestlé chiffre son dû à… 6 millions d'euros). Les seconds pour que les salariés conservent cet argent et obtiennent, pour le
trouble occasionné, des dommages à intérêts.
Le tribunal des prud’hommes de Laon avait hier à se prononcer sur le cas d’un ancien salarié du site de
Boué, qui a quitté son emploi en 2002 pas licencié et pas en retraite. Une bien belle vie, 37 ans de travail avec, pour finir, 1 285 euros de salaire brut. Il se bat aujourd'hui pour garder les 4
000 euros de préretraite que son employeur assure lui avoir trop versé. Il réclame pour le trouble occasionné des dommages à intérêts, soit 15 000 euros.
Tous les délégués centraux des 5 organisations syndicales représentées chez Nestlé France sont la pour le
défendre. Car, derrière son cas, il y en a 320 autres qui pourraient s'engager dans ses traces.
Verdict le 15 février 2012.
En attendant, il a écrit à son patron comme un enfant au Père Noël : «Si la justice ne nous donne
pas raison, je peux revenir travailler à Boué et commencer à vous rembourser dans 6 ans ?». Encore deux mois de patience.