Complexe et ancien (les faits remontent à 2006 et 2007), le «volumineux dossier» Ardennes Forge a été jugé hier par le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières. Non sans avoir subi, durant son instruction, une cure d’amincissement. Plusieurs infractions ont fait l’objet d’un non-lieu : l’abus de confiance au préjudice du conseil général (lors du rachat des machines pour un million d’euros) ; l’abus de biens sociaux (pour le montant du salaire du PDG, 132 000 euros annuels, et les liens troubles entre Estamfor et Ardennes Forge) ; enfin l’escroquerie au détriment de l’ANPE, «les fonds étant versés par les Assedic».
Pour le reste, les délits d’escroquerie aux Assedic et de travail dissimulé sont clairs, nets et reconnus. A la barre, trois prévenus, un ex-PDG, le responsable du recrutement et un ex-conseiller ANPE. Selon eux, nul n’ignorait que les aides à la formation, mises en place par l’ANPE et financées par les Assedic (qui ne se sont d’ailleurs pas portés partie civile !), allaient soutenir l’entreprise en payant des salaires. Ce sont exactement 398 610 euros qui ont rétribué plus de 30 salariés, en contrat de transition professionnelle (CTP), sous couvert de formations inutiles puisque les employés «effectuaient le même travail qu’avant, au même endroit et avec les mêmes machines».
Au fil de l’audience qui a duré 5 h 30, les trois prévenus ont mis en avant le «contexte de l’époque». À savoir, le «chaos» né de la fermeture de Thomé-Génot (ATG), et des élus ou des hauts fonctionnaires tentant par tous les moyens de relancer une activité sur le site. Durant l’enquête, plusieurs d’entre eux ont été entendus. Du président du conseil général à celui du conseil régional, en passant par les anciens directeurs du Travail, de l’ANPE, des Assedic ou l’ancienne préfète, tous ont dit n’être au courant de rien… Faux, rétorquent-ils, se présentant comme les fusibles d’une hiérarchie qui savait tout du «deal» passé à Nouzonville.
La substitut du procureur a requis six mois de prison avec sursis contre les trois prévenus et des amendes allant de 5 000 euros avec sursis à 10 000 euros. Les salariés ont demandé 10 000 euros d’indemnités chacun.
Verdict le 1er septembre.
Pour rappel, ATG qui emploie 294 salariés est liquidé en décembre 2006. En novembre 2006, 268 salariés de Thomé-Génot acceptent de signer un CTP (Contrat de transition professionnelle), contre une prime de 25 000 euros versée par l'Etat, la région et le département. Ce type de contrat prévoit le versement de 80% du salaire brut pendant un an, pour le bénéficiaire qui s'engage à chercher un emploi.
Début 2007, Ardennes Forge, créé pour l’occasion, reprend l'activité et une partie des salariés d'ATG. En 2007, une partié de la production est transférée en Chine. En 2008, la société emploie 68 salariés dont 48 ex ATG. Ils seront licenciés en 2008.
Un précédent PDG, l’Américain Greg Willis, à la tête de Thomé-Génot, a été condamné à cinq ans de prison, mais continue à couler des jours heureux aux États-Unis…
Autre volet de l’affaire, celui des indemnités reçues par les salariés. En 2010, ils avaient obtenu aux Prud’hommes près de 900 0000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et travail dissimulé. Mais en 2012, la Cour d’appel de Reims, à la demande des AGS, avait ramené les dommages et intérêts à 470 000 euros. Les AGS réclament depuis le «trop-perçu» aux ex-ouvriers, dont beaucoup sont au chômage.