Faut-il liquider Sodimédical ? Le tribunal de commerce de Troyes va à nouveau se poser la question cet après-midi à 15 h.
Une séance cruciale pour les 52 salariés de Sodimédical qui se battent depuis maintenant plus de deux ans pour sauver leurs emplois.
Pour mémoire, le tribunal a été saisi de trois (quatre même si l'on compte celle avortée de décembre 2010) demandes de liquidation de la société de Plancy-l'Abbaye. La première fois, en février 2011, il l'avait refusé, constatant qu'il s'agissait d'un abus de droit du groupe Lohmann&Rauscher qui cherchait ainsi à échapper à toute responsabilité dans la fermeture de l'usine plancéenne (la juge au civil a interdit les licenciements en février 2011, faute de «cause économique»).
La seconde fois, en août 2011, il l'avait accepté « pour en finir ». Cela permettait aussi de faire intervenir le fonds de garantie des salaires. Mais les salariés, eux, voulaient obtenir justice. La cour d'appel de Reims a donc logiquement cassé cette décision, revenant à la première analyse.
En janvier 2012, revoilà Lohmann&Rauscher demandant exactement la même chose. Prudent, le tribunal avait préféré botter en touche et attendre la décision de la Cour de cassation.
Depuis, la Cour s'est prononcée (sur la première demande de liquidation) et son arrêt du 3 juillet est très clair. Pour elle, Sodimédical doit être liquidé et peu importe qu'il s'agisse d'une fraude éhontée. Ce qui revient à fossoyer le code du travail grâce au code de commerce, mais les juges estiment qu'il n'appartient pas au tribunal de commerce de se poser la question du «mobile» de la déclaration de cessation de paiement.
L'affaire est-elle entendue alors ? Pas si sûr. D'abord parce que l'arrêt de la cour de cassation n'est pas définitif. L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Paris qui pourrait très bien se rebeller et reposer à la cour de cassation la grave question de l'abus de droit. Ensuite parce que, depuis, la cour d'appel de Reims a jugé le 11 juillet dernier qu'il y avait un responsable dans cette histoire : le groupe Lohmann&Rauscher dans son ensemble. Ce dernier est condamné à payer les salaires et pratiquement jugé co-employeur des 52 salariés de Sodimédical. Où est donc l'état de cessation de paiement avancé par les représentants de L&R, par ailleurs gérants de Sodimédical ? Le tribunal de commerce risque donc d'avoir de forts maux de tête en se penchant sur le dossier.
Les salariés de Sodimédical, malgré onze mois sans salaires, sont prêtes à tenir quelques semaines de plus. L'appel aux parrainages (un parrain avance 1 000 € par mois à chaque salarié) a fonctionné et ils peuvent aujourd'hui faire face aux urgences. L'argument humanitaire s'est ainsi éteint. Le tribunal doit donc dire le droit.
Aujourd'hui, il peut renvoyer l'affaire jusqu'à la décision définitive de la Cour de cassation. Il peut aussi constater l'état de cessation de paiement et renvoyer l'affaire en chambre du conseil où sera appréciée la situation de l'entreprise. L'inflexion prise aujourd'hui sera déterminante. Une chose néanmoins est sûre. Quelle que soit la décision, il y aura appel. L'affaire n'est pas finie. Loin de là.