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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 13:18

co li1Le TGV va encore gagner quelques minutes entre Paris et Bordeaux ; nos vieilles télévisions vont être remplacées par de la haute définition ; le tableau de bord de nos voitures sera équipé d'un système de téléguidage informatique permettant de choisir la bonne route pour une bonne destination.

A t on véritablement besoin de ces nouvelles techniques ? Nous a t on proposé d'autres choix ? La vitesse ferroviaire permettra t elle une meilleure communication entre les êtres humains ? La nouvelle télévision améliorera t elle l'éthique journalistique et paralysera t elle les manipulations et la censure ? Aurons nous moins d'accidents de la route

Peu probable. Ce que nous savons, en revanche, c'est que les lignes secondaires continueront de fermer, accentuant encore les dynamiques de centralisation urbaine et de désertification rurale. Que des millions de postes en état de marche seront jetés aux ordures et que se renouvellera un formidable marché pour l'énorme machine industrielle de l'électronique. Que le lobby du BTP comme celui de l'automobile se frotteront les mains grâce à ces cadeaux qui leur seront offerts.

Au fur et à mesure que la société marchande s'étend, des secteurs entiers de l'activité humaine, qui auparavant étaient décidés plus ou moins collectivement et assumés gratuitement, entrent dans le champ de l'Economie. Ces activités, qui structuraient peu ou prou des rapports de solidarité et d'échange, sont donc détruites et remplacées par des ersatz consommables et monnayables. Il suffit de regarder la façon dont l'activité de voyage s'est transformée en industrie touristique ; comment l'industrie pornographique a pénétré la sexualité ; comment les marchés de l'art et du spectacle dominent presque exclusivement les occupations ludiques de création. Et nous pourrions ainsi citer à l'infini des exemples.

En fait, il ne s'agit là de rien de plus que de la marche forcée du capitalisme pour s'étendre et trouver de nouveaux marchés, sous forme de territoires ou de secteurs de la vie sociale. Et toujours au prix de la destruction : des peuples, des cultures, des liens sociaux, des activités assumées collectivement, de la gratuité. Pour le capitalisme, c'est reculer que d'être stationnaire !

Telle est fondamentalement l'utilité de presque tout ce qui se produit actuellement sur la terre : pouvoir se vendre. L'unique objectif de la mise en œuvre des nouvelles technologies est la sacro sainte croissance et la nécessité pour le capital d'accroître la production en diminuant les coûts. L'utilité sociale, celle de la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se chauffer, de jouer et de jouir, de connaître et de découvrir, ne sert que de toile de fond aux activités mercantiles. Ces dernières s'appuient sur ces nécessités non pour les satisfaire, mais pour faire miroiter une hypothétique satisfaction qui recule au fur et à mesure que les capacités de production s'étendent. L'utilité sociale est au marketing ce que la libido est au psychanalyste : son fonds de commerce.

C'est ainsi que se réalise une société de frustration qui s'articule autour de la pénurie matérielle dans certaines zones et certaines classes, et d'une abondance falsifiée et d'une vie sociale appauvrie dans d'autres zones

Nous sommes tous conscients que l'envahissement du consumérisme n'est pas le produit de décisions collectives démocratiquement prises, mais bien un impératif pour le capitalisme, qui doit faire passer le développement pour du mieux être ; que nous n'avons aucune prise ni aucun avis à donner sur ce qui devrait être produit en priorité, sur ce qu'il serait bien venu d'abandonner. En fait, nul ne maîtrise les conséquences d'une nouvelle production, d'une nouvelle technologie, sinon ceux qui les mettent en œuvre et sur le seul terrain de la rentabilité. Les conséquences sur la vie sociale et sur l'environnement seront examinées plus tard, ce qui permettra d'ouvrir un nouveau marché dont les sociologues, psychologues, travailleurs sociaux et autres “chercheurs” seront les employés, la plupart du temps serviles.

Mais alors, que serait une réelle utilité sociale, qui échapperait à un système marchand ? La question mérite d'être posée, car si tous les esprits sains conviendront qu'une tonne de blé est socialement plus utile qu'une bombe atomique, au-delà de cette évidence nous entrons sur un terrain qui peut être miné si on n'y prend garde. Qui déciderait de ce qui est utile ou inutile ? Les États ? Un gouvernement mondial ? Les intellectuels ? Les scientifiques ? Les entrepreneurs ?

Il n'en est évidemment pas question !

Tout le monde doit il consommer les mêmes choses ? E y aurait là un arrière goût de totalitarisme, une façon toute bureaucratique de dresser la liste de ce qui est utile et de ce qui ne l'est pas ; une soumission collective à un ordre moral de mauvais aloi ou à des impératifs nationaux dissimulés.

En fait, l'utilité sociale, l'utilité de ce qu'on produit est d'abord un problème politique qui devrait découler de choix de société. Autrement dit "On veut vivre comme ça et on s'en donne les moyens", et non le contraire : "On produit d'abord, on verra ensuite." Le capitalisme a sacralisé la production au point que c'est le processus productif qui détermine nos rapports sociaux, nos envies, nos désirs. Et c'est précisément cela dont nous ne voulons plus !

Mais qui, "nous" ? Nous entrons là de plain pied dans la définition de la ou des collectivités humaines. Pas cette collectivité mondiale et abstraite, celle du pseudo "village planétaire", qui n'existe qu'au travers des médias et du Capital ; mais ces collectivités, en chair et en os, faites de rapports de proximité, de connaissance de leur environnement, celles qui permettent d'envisager la démocratie directe. Des collectivités entre lesquelles peuvent se construire des rapports de solidarité, d'égalité et d'échange et non de haine, de guerre et de concurrence, comme cela se produit lorsque la collectivité a été détruite ou affaiblie. Car le problème est bien que la primauté de l'Economie sur le Politique (au sens noble) déstructure perpétuellement les communautés humaines, y compris celles que le système a lui-même créées, atomise les individus, et laisse le champ de la communication, des interactions et des décisions aux différents pouvoirs.

Parler d'utilité sociale renvoie donc au territoire, au communautaire, au collectif, au "maîtrisable", autant dire à tout ce dont ce système cherche à nous déposséder et qu’il s’agit, par les luttes, de se réapproprier.

Un travail utile le sera non pas en fonction d'une morale ou d'intérêts supérieurs ; il sera celui d'une communauté humaine donnée, dans un lieu et un temps donné, qui aura décidé, pour fonctionner comme elle l'entend, de produire telle ou telle chose. Une communauté qui saura calculer le pour et le contre de tel effort humain (le travail) en fonction des répercussions que cette production peut avoir sur l'organisation sociale et sur l'environnement, et non en fonction du marché et du prix de la production. Autrement dit, une société dans laquelle la fonction économique sera là seulement pour permettre d'approcher des choix politiques et sociaux préalablement et collectivement définis.

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