ÉDITO PAGE 3
LUTTES SOCIALES
PAGES 4 Boulogne-sur-mer : lutte dans une EHPAD
AGES 5-6 Remarques sur le mouvement en cours
PAGES 6 Chauffons le fer jusqu’à son point de fusion : tract
TERRITOIRES EN LUTTE
PAGES 7-8 La ZAD résiste !
PAGES 9-12 Les forêt ne sont pas des mines à charbon
MIGRANTS ET INSTITUTIONS
PAGES 13 15 Migrants, réfugiés et évolution des politiques publiques
PAGES 15 16 Retour sur la coordination nationale contre les politiques anti-migratoires
L’ÉCONOMIE EN BRÈVES PAGE 17
BIG BROTHER PAGES 18 à 19
A BAS LE PATRIARCAT : DOSSIER
PAGES 20-22 Quid de ce « non-mouvement » anti-harcèlement très suivi ?
PAGES 23 Les violences sexuelles, c’est d’abord dans l’espace prive
PAGES 24-25 L’Etat, un rempart contre les agressions sexuelles et sexistes ?
COLONIALISME
PAGE 26-27 Crise à Mayotte (suite)
PAGE 27 Courrier Kanaky : un peuple sans domination ni exploitation ?
NOTRE MÉMOIRE
PAGES 28-31 Italie : retour sur les années 1970 ; Un 68 qui a duré 10 ans
LIVRES PAGE 32
Macron : un casseur extrémiste
Le candidat Macron a beaucoup joué d’une position « entre deux ». Il se présentait comme et de droite
et de gauche, libéral et « en même temps » social. Evidemment, nous faisons partie de ceux qui ne sentaient rien de bon dans ce double discours. Il n’y a que les naïfs centristes ou sociaux –démocrates qui
ont pu croire à ses discours mielleux. Déjà le libéralisme le plus dur perçait sous le sourire aiguisé.
Au niveau des réformes qu’il veut faire passer, il n’y a rien de bon : casse des services publics, de la SNCF, réformes à coup de boutoir dans l’Education nationale ou la justice, refus de donner plus de moyens aux personnels de la santé et des EHPAD, loi asile et immigration qui rendra encore plus difficiles les possibilités d’accueil des réfugiés. Et la liste pourrait être encore bien plus longue des acquis sociaux qu’ils sont en train de détruire.
Après un quinquennat pendant lesquels les socialos au pouvoir ont approfondi l’oeuvre de la droite, parfois avec mollesse, parfois avec fermeté (loi El Khomri, répression des luttes écolo par exemple), l’équipe de Macron s’est mise en marche pour aller plus loin que ses prédécesseurs et se montre plus dure que Sarko et sa clique. Même si la droite dure et le FN lui reprochent de ne pas aller assez loin sur certains plans (immigration en particulier), c’est bien vers eux qu’il est en marche. Pas pour les contrer, mais pour réaliser leurs objectifs.
Dans le même sens, ce provocateur vient de faire un coup d’éclat en tenant un discours extrêmement favorable au rapprochement entre l’Etat et la hiérarchie catholique : «Nous partageons, confusément, le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer». Comme Sarkozy avant lui, il évoque les racines chrétiennes de la France pour s’attirer la sympathie des bigots les plus réacs. Oh bien sûr, il est capable d’accepter « en même temps » les évolutions modernes comme le mariage pour tous, mais il avoue privilégier la famille traditionnelle.
Sur le plan économique, il adhère à fond à l’idéologie libérale la plus dure : il faut privatiser à tour de bras afin que les actionnaires des trusts fassent plus de bénéfices. Evidemment, il prétend que cela profitera à tout le monde selon la fumeuse théorie du « ruissellement ». On sait bien que ce n’est jamais le cas et qu’en continuant sur cette voie, les inégalités continueront à se creuser. Cet ultralibéralisme l’amène à prendre des options qui ne sont pas du tout sensées s’il se voulait bon gestionnaire de l’Etat, comme les projets de privatisation (vente des actions –majoritaires- détenues par l’Etat) de la Française des jeux ou d’Aéroports de Paris. Vendre un bien qui ne rapporte rien pour se désendetter serait logique, mais pas quand ce bien assure une rente confortable. On comprend qu’avec cette idéologie, il n’arrive pas à imaginer que (comme sur la ZAD de Notre-Dame des landes) d’autres projets de vie soient possibles.
Au niveau des méthodes, comme Sarkozy avant lui, il se comporte en bonapartiste : J’ai été élu, donc je peux appliquer mon programme comme je l’entends et si ça ne passe pas, je vous casse. Mieux encore que ses prédécesseurs, il sait mettre en place de fausses réunions de dialogue où ses subordonnés ne font que marteler leurs projets sans une ombre de négociation.
Et s’il faut utiliser la force, avec l’aide de son ministre de l’Intérieur, il le fera sans état d’âme, et même avec une certaine satisfaction. Il n’est pas étonnant finalement qu’il arrive à bien s’entendre avec Trump.
Certains diront là qu’on personnalise trop cet édito en le centrant sur le Président de la République et qu’on rentre dans ce jeu médiatique. Evidemment, il n’est qu’un maillon du pouvoir et n’est pas seul à appliquer cette politique. Il est juste le représentant parfait de la caste de hauts fonctionnaires et de hauts cadres du privé qu’une majorité d’électeurs français a accepté de porter au pouvoir il y a un peu moins d’un an. Il ne faut pas se contenter de dire qu’il n’a été élu que par raccroc, parce que le quinquennat Hollande avait beaucoup déçu les électeurs de gauche, parce que Fillon ne passait plus pour les centristes, parce que les excès verbaux de Mélenchon nuisaient à son image, et finalement parce qu’il s’est retrouvé face à l’épouvantail Le Pen. Il ne faut pas oublier qu’il a aussi été élu parce qu’il avait l’appui de groupes financiers et de médias et en plus parce qu’il a su fédérer autour de lui toute une caste de gens qui lui ressemblent, ces cadres plus ou moins jeunes, ambitieux et qui croient fermement à l’idéologie libérale.
Alors, nous voilà en mai 2018, cinquante ans déjà… Beaucoup spéculent sur les mouvements sociaux actuels et sur la possibilité d’arriver, si ce n’est à une révolution, au moins à un grand mouvement social qui paralyserait le pays et ébranlerait le pouvoir. On peut rêver, mais la société d’aujourd’hui est bien différente de celle de 68. Il y a nettement plus de libertés, même si c’est dans la consommation ; l’individualisme et le libéralisme nous marquent depuis trop d’années.
Par contre, l’extrémisme libéral soulève de plus en plus mécontentements, de grognes ou de révoltes comme nous les évoquons régulièrement dans Courant Alternatif. C’est à partir de là qu’il y a une chance de faire converger quelques luttes, de construire des solidarités concrètes, des rencontres et des expériences alternatives. Nous ne sommes sans doute pas à la veille d’une révolution, mais nous pouvons espérer être à l’aube d’une reconstruction des mouvements sociaux. Et ce qui nous semble important, c’est que dans cette reconstruction, de plus en plus de personnes se reconnaissent des sympathies antiautoritaires. Face aux casseurs ultralibéraux, construisons des liens et des alternatives et ce sera un premier pas pour changer cette société.
Limoges, 23 avril 2018