Dans ce que l'on peut considérer comme le dernier avatar judiciaire de ce dossier hors normes, l'avocat défendait d'une part les intérêts des salariés licenciés n'ayant pas bénéficié des primes liées à l'adhésion au Contrat de transition professionnelle, mais il souhaitait aussi, voire surtout, via cette procédure considérée comme une première, dénoncer une sorte de désinvolture qui avait conduit au désastre que l'on sait : la liquidation judiciaire de Thomé-Génot en 2006, deux ans après l'arrivée de Catalina, avec 300 salariés «jetés à la rue», et sur le plan pénal, la condamnation du PDG américain et de sa collaboratrice à cinq ans de prison ferme pour abus de biens sociaux, les actifs de l'unité ardennaise ayant été sciemment et consciencieusement siphonnés en direction des USA… Peine non pas symbolique, mais en tout cas toujours pas exécutée, les deux dirigeants demeurant tranquillement en Californie à l'abri des foudres de la justice hexagonale…
La Cour d'appel dans ses attendus estime que si, le jour de l'audience du tribunal de commerce, l'offre de reprise de Catalaina n'était peut-être pas conforme au dossier qui avait été soumis par écrit (manquait notamment, pardonnez le détail, l'appui du fonds de pension Lightyear, soit la garantie de quelques millions…), «rien ne laissait supposer à l'époque que le financement ultérieur ne serait pas obtenu».
Du coup, pour les magistrats, «l'offre initiale a pu être modifiée, mais les appelants (en l'espèce, les salariés) ne rapportent pas la preuve que la décision (du tribunal de commerce) ait pu être inspirée par d'autres considérations que les intérêts de l'entreprise et la sauvegarde des emplois».
Inutile de dire que certains syndicalistes ont été abasourdis : pas d'élément comptable (sur la société qui candidatait à la reprise), disparition de la garantie financière, mais heureusement, mais ouf, les juges du tribunal de commerce n'avaient d'autre souci que la pérennité de Thomé-Génot. Le dernier paragraphe de l'arrêt de la cour a tout autant surpris, voire navré : «Les appelants ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre le choix de l'offre de la société Catalina ayant en 2004 permis d'éviter la liquidation judiciaire immédiate de l'entreprise Thomé-Génot et le préjudice dont ils demandent réparation…» Bref, pas de causalité entre la reprise en 2004 et la liquidation en 2006 !
Et donc la cour de dire qu'il n'y a pas eu de faute lourde constituée par «une quelconque déficience caractérisée […] traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi».
Les anciens salariés de Thomé-Génot (Nouzonville) qui avaient assigné l'Agent du trésor, c'est-à-dire l'Etat, pour faute du tribunal de commerce de Charleville lorsqu'il accorda la reprise de l'entreprise de sous-traitance automobile au fantomatique groupe américain Catalina en 2004, ne cachaient pas leur amertume hier, à la lecture des attendus plus que brefs justifiant la décision de la chambre civile de la Cour d'appel de Reims de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Charleville qui n'avait pas discerné de faute lourde imputable à la juridiction commerciale.