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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 13:56

La BA 112 vient de fermer ses portes.  On ne va pleurer le départ de militaires. Mais qui sait exactement quelle était le rôle réel de cette base.

Voici un article extrait du Chat noir n° 25


La Marne sous haute surveillance, mais pourquoi donc ?

L’Union du 6 octobre 2010 titrait en une, photo à l’appui d’un soldat armé d’un Famas place d’Erlon, «la Marne sous haute surveillance». De quoi inquiéter tout lecteur ou toute lectrice, déjà préoccupé(e) pour sa retraite. Suivait quelques feuilles plus loin, une page complète intitulée «Face au terrorisme, Vigipirate : on y coupe pas». On pouvait y lire le député Charles Amédé de Courson expliquer que «le plus important est d’avertir nos concitoyens car la meilleure défense d’une démocratie est une opinion solide face à ce type de risque». Mais nul part, la lectrice ou le lecteur ne pouvait comprendre les raisons de la menace en dehors de sa qualification bien vague de «terrorisme». Peut-être est-ce donc parce que l’opinion se segmenterait s’il y avait un débat sur le terrorisme et sur le fait que la France est en guerre depuis 2001 en Afghanistan. Peut-être est-ce pour les mêmes raisons que l’article d’une page n’évoque pas un seul instant en quoi la Marne et plus particulièrement Reims constituent des cibles particulières à ce stade de la guerre afghane, qui en est à sa 9ème année soit plus que la guerre d’Algérie (1954 – 1962). La Marne sous haute surveillance, mais pourquoi donc peut-on se demander après avoir lu cet article du 6 octobre. Les Marnais et les Rémois ont le droit de savoir.

La base 112, au cœur de la guerre afghane

La base 112 est fortement impliquée dans le conflit qui sévit au pays de l’insolence. Trois de ces Mirages F1CR (les mêmes qui opéraient déjà contre l’Iraq) participent régulièrement au dispositif SERPENTAIRE, soit à partir du Tadjikistan, soit depuis la base de Kandahar en Afghanistan. Ils effectuent d’une part des missions de reconnaissance aérienne et de bombardement. Pour ce faire, près d’une cinquantaine de personnels rémois (cinq pilotes, six spécialistes du renseignement aérien, des mécaniciens avion) a été projetée pour une période de 10 mois (avec des rotations de 2 mois).

L’opération Reghaïa - Reims

Qui plus est, cet été, pendant une dizaine de jours, la base 112 a accueilli l’opération Reghaïa La référence à Réghaïa n’est pas anodine. Cette ville algérienne abritait une base de commandos français. Or, dans la guerre en Afghanistan, les soldats de l’OTAN font de plus en plus en plus appel à la mémoire «algérienne» de la grande muette relative aux commandos de chasse qu’elle avait constitués contre les katibas du FLN.

Reghaïa 2010 a donc permis d’accueillir sur le tarmac de la base 112, 300 militaires appartenant aux forces spéciales du Commandement des Opérations Spéciales (COS) et de la Direction des Renseignements Militaires (DRM): CPA 10 (dont l’unité Alpha 14, spécialiste du contre terrorisme), 13ème  RDP, Commandos Marines (Kieffer et Monfort), 1er RPIMA, et d’autres sans doute, que le civil que nous sommes ne peut connaître. Ces 300 hommes ont constitué un Groupe de Forces Spéciales (GFS) composé de groupes d’action tactique (au moins 4) et de groupes logistiques associés. Cette troupe d’élite s’est entraînée notamment dans les locaux de l’ancien dépôt de munition qui a permis des phases tactiques engageant  plusieurs groupes d’actions en même temps, autour de leurs spécialités employées en Afghanistan ou ailleurs : l’infiltration, la reconnaissance, la recherche - destruction, actions spéciales et libération d’otages.

Le GFS était doté de 19 aéronefs : un C130 Hercules de l’escadron Poitou du Commandement des Opérations Spéciales, des mirages F1 CR (rémois), des mirages 2000, des Gazelles canons et missiles HOT (déployées en Afghanistan), et deux drones Skylark (opérés par 3 membres du commando Kieffer).

Ces deux drones (en l’espèce mini avions sans pilote) fabriqués par la société israélienne Elbit, venaient d’être livrés au CPA 10.

Comme le contrat avec la société israélienne d’un montant de 40 millions de dollars prévoit un volet formation assuré par du personnel israélien, y-avait-il sur la base 112, des techniciens hébreux ? Si oui, ils apparaîtraient comme une cible de choix pour tout terroriste. Enfin, ces drones ont tout au long des 10 jours de Réghaïa - Reims  surveillé divers convois militaires. Mais n’ont-ils fait que cela ? N’ont-ils pas survolé l’agglomération rémoise et filmé ses habitants ?

Preuve de l’importance de Réghaïa – Reims, quatre généraux se seront succédé, sur la Base 112, notamment le Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air, le général responsable du COS, le commandant de la brigade des forces spéciales terre (BFST).

L’opération Reghaïa ne s’est pas déroulée sans accro. Elle a du subir une attaque réelle, empêchant un poser d’assaut, invasion complètement étouffée médiatiquement, mais nécessitant l’intervention du 5ème régiment du génie (RG) de Mourmelon.  Contraignant celui-ci à remettre en état une LZ (Landing Zone) au moyen de 60 mètres cubes de terre. Si cette attaque avait été divulguée, elle aurait constituée une humiliation certaine pour le GFS (et les troupes d’élites qui la composaient) puisque de simples sangliers ont grippé l’une des machines militaires françaises parmi les plus efficaces. Les sangliers qui ne rentrent pas dans les plats autorisés aux terroristes menaçant la Marne, leur ont bien rendu bien cette prohibition alimentaire en perturbant Reghaïa – Reims 2010.

Des entreprises rémoises impliquées dans les conflits afghans et iraquiens et dans la vente d’armes

Trêve de plaisanterie, d’autres raisons font de la Marne et de Reims un objectif potentiel pour des terroristes qui veulent abattre la démocratie et notre mode de vie. Au demeurant, la politique du Président Bush a contribué à développer leur influence tout en conduisant les démocraties occidentales à limiter les libertés publiques (Patriot Act aux Etats-Unis et Loi Sarkozy en France n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme). Parmi les raisons qui désignent Reims, il y a également la présence de deux entreprises, un temps dans un bâtiment public sis le long du canal. L’une d’elle achète des produits sur les marchés financiers internationaux et avec les intérêts qu’elle dégage finance l’effort de guerre américain en octroyant des prêts aux soldats US en Afghanistan ou en Iraq (il y en a encore 50 000). La seconde participe au lobbying du complexe militaro – industriel français pour la vente d’hélicoptères et d’avions à la Suisse (attention aux comptes dans les banques suisses) à l’Inde, etc. Cela n’est pas sans rappeler l’affaire des sous-marins vendus au Pakistan. L’un des dirigeants de cette société est un ancien commando marine.

Chalons, Mourmelon et Sissonne

Toutefois, Reims n’est pas le centre de la Marne, ni du monde. En janvier, deux militaires chalonnais sont malheureusement décédés en Afghanistan (un sous-officier du 402e régiment d'artillerie et un officier de l'état-major de la première brigade mécanisée).

Enfin, il y a le Cenzub à Sissonne, soit à 50 kilomètres de Reims. Là bas, se trouvent un village, une zone de bidonville dans laquelle il est impossible d'entrer avec des véhicules, un camping formé de caravanes, une rue créée à partir de conteneur 20 pieds (mesure anglo-saxonne), un hameau défensif (installation de sacs de sables dans les étages, piégeage, etc.). Cet équipement d’un coût de 80 millions d’€ a vocation à accueillir tant des troupes françaises qu’otaniennes en vue de leur entraînement à la guérilla (principalement urbaine) telle qu’elle est pratiquée notamment à Kaboul. Que les rémois ne s’étonnent donc pas de voir des uniformes bataves, germaniques ou ibériques, le samedi place d’Erlon.  

Alors oui pour toutes ces faits, l’Union a raison de titrer «la Marne sous haute surveillance». Encore faut-il dire pourquoi ? Encore faut-il dire la vérité et pointer les responsables. Encore faut-il qu’il y ait un débat sur la guerre en Afghanistan. Ce que refuse la majorité présidentielle. Encore faut-il reconnaître que l’Afghanistan sert de vitrine au Rafale, au canon Caesar, au transport de troupe véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI). Mais d’ici là peut-être que certains méditeront cette citation de Kipling rappelant un proverbe afghan sur les conséquences des guerres: «2000 livres (monnaie anglaise) d’éducation réduites à une pièce de 10 roupies». Ce proverbe qui visait la guerre perdue par l’empire britannique contre le peuple Afghan au 19ème siècle demeure d’une acuité certaine. En effet,  combien d’écoles, d’université et d’hôpitaux, aurions nous pu construire à Kaboul avec le coût d’un seul rafale ? Et combien de rafales faudrait-il ne pas construire pour combler les caisses de retraites ?

Karim Lakjaâ  

  • Docteur en droit
  • Diplômé du Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques de Paris (CEDS)
  • Collaborateur occasionnel de la Revue Militaire Suisse, des Cahiers numériques de la Revue Défense Nationale, de Damoclès (Centre  De Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits)
  • Co auteur de l’atlas stratégique international (édition temps des cerises)
  • Animateur du Cercle d’Analyse et d’Etude Juridiques, Internationales et Stratégiques (CAEJIS) http://caejis.over-blog.org/

 

 

 

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