Grégory Willis, ancien dirigeant du groupe américain Catalina, qui avait repris en 2004 le sous-traitant automobile Thomé-Génot, liquidé en octobre 2006, été condamné par le tribunal correctionnel de Reims à cinq ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de gérer et à 20 millions d'euros de dommages et intérêts, des faits d'abus de biens sociaux et de banqueroute.
Ressortissant américain, Grégory Willis fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Jusqu'alors introuvable, ou pas franchement embêté par les poursuites, comme son adjointe Catherine Zickfeld, elle aussi condamnée, l'ex-président-directeur général de Catalina vient d'être signalé à Los Angeles, où était déjà domiciliée Capital Advisors LLC, la société dont il était le Executive Officer (CEO).
En raison de son expérience dans les «affaires», ses bons et loyaux services à l'endroit de l'industrie automobile japonaise, tout particulièrement dans l'implantation de Toyota au Mexique, il a été nommé, le 13 janvier dernier, «President & Executive Officer» [président et directeur exécutif] de l'American Cultural & Community Center (JACCC) ; un centre culturel dont la vocation est de promouvoir, transmettre et perpétuer les arts japonais et américano-japonais, sans oublier une large gamme d'activités culturelles non commerciales sur Los Angeles.
«Nous avons toujours su où se trouvait Greg Willis. Il ne se cache pas, il se trouve à Los Angeles. La difficulté pour nous réside dans son extradition», confie le procureur de la République au Parquet de Reims. «En février 2010, nous avons transmis aux autorités américaines une demande d'extradition à son encontre, tout comme nous l'avons fait pour son associée Catherine Zickfeld. Juridiquement, nous sommes allés jusqu'au bout de ce que nous pouvions faire. Le mandat est diffusé par Interpol, ce qui veut dire qu'ils peuvent être arrêtés à tout moment. Mais, à ce jour, nous n'avons toujours pas de réponse des autorités américaines. L'affaire suit son cours, mais c'est toujours plus long quand il s'agit d'aller chercher des citoyens américains condamnés en France. Les États-Unis sont particulièrement exigeants».
La France a signé des accords bilatéraux de coopération liés aux extraditions avec 50 pays. Le Traité d'extradition entre les États-Unis et la France date du 23 avril 1996. S'il a été considéré comme une avancée au vu des relations souvent tendues entre les deux États, il se révèle souvent complexe du fait que les États-Unis sont un état fédéral dans lequel la législation criminelle diffère dans chacun des 50 États fédérés. Cette particularité institutionnelle est source de complexité des procédures d'extradition. En l'occurrence, il faut que les faits punissables en France, le soient également aux États-Unis. «Dans le cas des Thomé-Génot, ils ont tous les deux été condamnés pour recel, banqueroute par détournement et abus de biens sociaux», précise le procureur. «Les États-Unis vont se montrer doublement exigeant».
Pour mémoire : repris en 2004 par le groupe américain Catalina, les Ateliers Thomé-Génot (ATG), qui
employaient plus de 300 personnes à Nouzonville (Ardennes), avaient été placés en liquidation judiciaire deux ans plus tard, en octobre 2006. L'avocat des salariés avait à l'époque mis en cause
Catalina, soulignant que le groupe s'était « servi de la trésorerie de Thomé-Génot pour acheter une entreprise au Mexique et prendre des participations dans d'autres sociétés ». Sans doute l'art
de faire du « profitable business venture », de la fusion rentable d'entreprises…
Le parquet de Charleville-Mézières avait ouvert une enquête, par la suite dépaysée à Reims, sur
d'éventuelles malversations. Gregory Willis, directeur général du groupe Catalina, avait été nommé président des ATG lors de la reprise de l'entreprise en 2004. Quant à la société Ardennes Forge,
qui avait repris début 2007 une partie des activités de Thomé-Génot et des salariés, elle a été à son tour mise en liquidation judiciaire en juin 2008 par le tribunal de commerce de
Charleville-Mézières.
Willis n'a pas réservé l'exclusivité de son savoir-défaire les entreprises aux seules Ardennes. Au Canada, en Ontario, à Windsor plus précisément, Precision Products Ltd.- un avatar de Capital Advisors LLC financé par des transferts de fonds opérés à partir Ateliers Thomé-Génot - a fermé en mars 2009, sans crier gare, deux sites industriels spécialisés en équipements automobiles, and Aramco, après un contentieux avec Chrysler. 80 salariés étaient restés sur le carreau, avec en guise de solde de tout compte, une gratification de quatre semaines de salaires, soit 200 000 dollars canadiens. Il s'en était suivi un conflit social, les salariés s'estimant cruellement lésés…
À la fin de ce conflit Chrysler avait accepté de payer 400 000 dollars canadiens pour l'ensemble des employés licenciés, mais ceux-ci ont juré leurs grands dieux n'avoir jamais vu la couleur de cet argent. Farnham, président du syndicat des travailleurs automobiles Local 165, avait accusé les propriétaires de Catalina d'être des «criminels», se référant à la condamnation, en France, de Greg Willis et de son adjointe Catherine Zickfeld.