Prêtre athée et
révolutionnaire sous Louis XIV
"Si les hommes possédaient et jouissaient également en commun des richesses, des biens et de commodités de la vie, s'ils s'occupaient unanimement tous à quelque honnête et utile travail, ils vivraient tous heureux et contents, car la terre produit assez abondamment pour les nourrir et les entretenir; personne ne serait en peine ni pour soi, ni pour ses enfants de savoir où il logerait, personne n'aurait à se tuer soi-même par des excès de fatigue et de travail."(...)
Jean Meslier est né à Mazerny (Ardennes), le 15 juin 1664, dépendant du Duché de Mazarin. Selon les sources, il est le fils d’un ouvrier en serge, d’un propriétaire et fabricant en laine ou d'un marchand. Elevé à la campagne, il a néanmoins fait ses études à l'école publique de sa paroisse où le curé le trouva doué, avant de les poursuivre au séminaire de Reims. Initié au sacerdoce en 1688, très estimé de ses supérieurs, il fut nommé le 7 janvier 1689 curé d'Étrépigny et de Balaives dans ses Ardennes natales, où il restera jusqu'à sa mort.
Il était rigide partisan de la justice. Le Seigneur de son village nommé le Sr de Trouilly, ayant maltraité quelques paysans, il ne voulut
pas le recommander nommément au Prône : M. de Mailly Archevêque de Reims, devant qui la contestation fut portée, l'y condamna. Mais le Dimanche qui suivit cette décision, ce Curé monta en Chaire
et se plaignit de la sentence du Cardinal. «Voici le sort ordinaire des pauvres Curés de Campagne ; les Archevêques, qui sont de grands Seigneurs, les méprisent et ne les écoutent pas.
Recommandons donc le Seigneur de ce lieu. Nous prierons Dieu pour Antoine de Touilly ; qu'il le
convertisse et lui fasse la grâce de ne point maltraiter le pauvre, et dépouiller l'orphelin.»
Quel ne fut l’étonnement de la caste ecclésiastique locale à sa mort (en 1729 ou 1733 selon Voltaire) quand ils découvrirent que Meslier avait laissé un Mémoire de 300 pages de pattes de mouches écrites à la plume, entièrement remplies de blasphèmes et d’insultes envers Dieu, d’appels au meurtre de tous les rois et de tous les prêtres. Pour éviter le scandale, ces confrères horrifiés vont tout mettre en œuvre pour étouffer l’affaire, mais c’était sans compter sur Meslier. Avant de mourir, celui-ci avait recopié à la hâte son texte en plusieurs exemplaires (en tout 2000 pages manuscrites).
Ses amis, deux curés, MM Voiri (curé de Guignicourt) et Delavaux (ou Laveaux - curé de Boulzicourt) inhumèrent son corps dans le jardin de la cure sans inscrire d'acte mortuaire sur les registres de sa paroisse.
Son existence n'a été connue qu'à partir de la publication en 1762 par Voltaire, sous le titre de Testament de J. Meslier, d'un texte qu'il présentait comme un extrait d'un texte beaucoup plus volumineux, retrouvé chez lui et dans lequel un curé professait avec détermination son athéisme. Le texte intégral fut publié en 1964 à Amsterdam à la Librairie Etrangère par Rudolf Charles (d’Ablaing van Grissenburg) avec une préface de celui-ci et une correspondance de Voltaire. Cette version en 3 tomes est consultable sur http://www.google.com/books?id=h6MFAAAAQAAJ&hl=fr
Cette oeuvre, développant un athéisme et un matérialisme élaborés, va, tant par son ampleur que par son contenu, bien au delà de ce qu'on pourrait attendre d'un petit curé de campagne. On y assiste au déploiement d'une argumentation philosophique et politique vigoureuse et rigoureuse à la fois, assez étonnante par son indépendance d'esprit et par son sens profond des réalités. A trois siècles d'intervalle, ce texte, écrit dans des conditions historiques précises, étonne par sa pertinence actuelle.
Il fut avant tout le premier penseur révolutionnaire, et le premier communiste à fonder son point de vue sur le matérialisme et l'athéisme. S'il y eut, bien sûr, avant lui, des révolutionnaires, des communistes, des matérialistes et des athées, il fut le premier à réunir ces quatre positions en une seule et unique conception du monde. En cela, Meslier prend une place d'une importance considérable tant dans l'histoire de la pensée révolutionnaire que dans celles du communisme, du matérialisme et de l'athéisme. Son oeuvre constitue un moment capital de l'histoire de la pensée.
Ce qui constitue l'exceptionnelle envergure intellectuelle de Meslier, c'est
qu'il combina les quatre domaines de la pensée les plus avancés qui s'offraient à la philosophie de son temps : le communisme, la
révolution, la négation de Dieu et la matière, alors que l'audace des autres penseurs ne dépassait jamais l'exploration d'un seul de ces champs.
La pensée de Meslier annonce la Révolution française et, bien au-delà, le socialisme utopique, le matérialisme, le communisme et l'anarchisme.
La société d'études Ardennaises vient de consacrer à ce curé peu ordinaire un livre documentaire passionnant que l'on peut se procurer sur le site Internet de la SEA (http://www.histoire-ardennes.fr/)
L’association des Amis de Jean Meslier vient de naître.
Association des Amis de Jean-Meslier, 4, rue Condé à Charleville