Vers des lendemains qui chantent ?
Le 22 mars, environ 400 000 personnes étaient dans la rue. Principalement des fonctionnaires et des cheminot-e-s. Les raisons de cette colère naissante : les différents projets gouvernementaux ou décisions visant à une privatisation rampante et la remise en cause du «statut» pour une soi-disant modernisation et une plus grande efficacité, «statut» qui ferait de ceux qui en bénéficient des nantis ! Parmi ces décisions et projets, on trouve la décision de 120 000 suppressions de postes annoncées et à l’augmentation du nombre de contractuels, début de la casse du statut de la fonction publique ; les projets de privatisation et d’abandon de missions de la Fonction Publique dans le cadre du processus Action Publique 2022. Auquel s’ajoute pour les fonctionnaires le projet de remise en cause des instances de dialogues comme les commissions paritaires, les comités techniques, les CHSCT (comme cela est en cours dans le privé).
Pour les cheminot-e-s, c’est le projet de changement du statut juridique de la SNCF ouvrant la possibilité d’une ouverture du capital aux marchés financiers s’accompagnant de la suppression du statut de cheminots pour les nouveaux embauchés qui a mis le feu aux poudres. 37,5 % de grévistes pour cette première journée d’action (chiffre de la SNCF calculé par rapport au nombre total de cheminots qui travaillent ou pas ce jour-là). Cheminot-e-s qui auraient, selon la presse, «volé la vedette aux enseignants, agents des impôts et autres personnels hospitaliers, dont c'était la journée d'action. Le rêve de fusion a semé la confusion» (Le Figaro). «La démonstration est ainsi faite : la réforme ferroviaire sera LE sujet de polarisation du printemps» (L'Opinion). Il va donc falloir, comme d’habitude, se méfier (le mot est faible…) de la presse qui ne ratera aucune occasion de nous diviser, de nous monter les uns contre les autres…
Mais quelle va être la suite de ce mouvement ?
Manifester est une chose (bonne !) mais lutter collectivement c’est encore mieux mais plus difficile. Si nous prenons actuellement le monde de l’éducation, nous n’en sommes pas encore aux grèves reconductibles même si, ici ou là, des lycéens, des étudiants tentent de construire un mouvement de la jeunesse scolarisé contre «Parcoursup» et le plan étudiants. Pour l’instant, la mayonnaise a du mal à prendre massivement, certains salariés seraient tentés de se tourner vers les cheminots pour espérer que leur mouvement, seul capable avec le secteur « énergie », de bloquer l’économie, puisse, comme en 1995, être un moteur. Mais nous ne sommes plus en 1995, la locomotive n’a plus la même force et il faut arrêter d’attendre que les autres luttent et se mobilisent à notre place. Malgré tout, des grèves reconductibles sont déjà annoncée à partir du 3 avril. Le Pouvoir et la bourgeoisie sont passés à l’attaque comme jamais ; les salariés, les chômeurs, les précaires et la jeunesse ont encore beaucoup de choses à perdre. Mais pour se battre, il faut penser que nous pouvons gagner si nous nous y mettons tous et toutes. Il faut laisser le défaitisme pour de temps meilleurs. Nous perdrons que les combats que nous ne menons pas.
Pour le Pouvoir, s’il est légitime de contester tel ou tel projet, il y a des limites à ne pas dépasser. Il faut séparer le bon grain de l’ivraie, avec grand renfort des forces de répression et un recours à la justice qui a la main de plus lourde comme à Bure (condamnations à de la prison ferme), ou en oubliant les zadistes dans les négociations sur l’avenir des terres rachetés par l’Etat à Notre-Dame-des-Landes (sauf s’ils rentrent dans le moule). Macron et sa bande attaquent aussi sur d’autres fronts. C’est ainsi qu’ils veulent absolument faire baisser le nombre des demandeurs d’asile en France et augmenter le nombre effectif de reconduites à la frontière des déboutés du droit d’asile. L’objectif est clairement énoncé : la France ne laissera entrer sur son territoire que l’élite de l’immigration. Avec un délai de traitement des demandes d’asile raccourci (6 mois contre 1 an actuellement) et une augmentation significative de la durée en rétention administrative (qu était passée de 32 jours à 45 jours sous Sarkozy en 2011 sans que cela ait une incidence sur le nombre d’expulsions). Là, G. Collomb propose 90 jours voire 135 jours en cas d’obstruction du migrant à sa reconduite à la frontière ! L’enfermement serait, d’après le pouvoir, la solution pour augmenter le nombre de reconduites à la frontière effectives (voir article pages 12 à 14). Expulsions de «migrants illégaux» est beaucoup plus rapide à Mayotte (dans la journée) et beaucoup plus importantes que sur le reste du territoire français, excepté la Guyane (en moyenne 58 par jour) où un conflit social avec un côté très réactionnaire (lutte contre l’insécurité et l’«immigration clandestine» comme principales revendications) est en cours depuis mi-février (voir article sur Mayotte pages 29 à 33). Sur ces terrains de la répression (donc des violences policières), de l’immigration, des exilé-e-s, … la marche des solidarités du 17 mars fut réussie. Elle a permis de remettre sur le devant de la scène des thématiques de lutte importantes, que ce soit les revendications de l'immigration ou la question des violences policières, organisée par les collectifs eux-mêmes (voir article pages 4 et 5).
Et pour terminer, le pouvoir pense toujours à la jeunesse. Après la suspension du service militaire en 1997 (effective depuis fin 2001), s'installe pour l'Etat une période de vide idéologique pour encadrer la jeunesse. Pas pour longtemps, les émeutes des banlieues en 2005, qui vont faire peur aux politiques avec l’instauration de l’état d’urgence dans 24 départements, vont être le point de départ d’une réflexion sur ce par quoi remplacer le service militaire. Cela va déboucher en 2010 à la création d’un service civique encadré par le code du service national. En 2015, ce service civique va devenir universel et pourrait devenir bientôt obligatoire si le service militaire universel obligatoire était remis en place (en 2019 ?)
Le gouvernement a pris l’habitude d’agir de manière autoritaire. Nous devons faire cesser cela !
OCL Reims, le 23 mars 18