Depuis une semaine les travailleurs de la SNCF, sont en grève. Si la réponse médiatique a été égale à elle même, quoiqu'un peu poussive, l'originalité réside cette fois dans l'introduction dans la propagande de nos chères têtes blondes, celles ci, risquant à cause de l'irresponsabilité, de ne pas pouvoir assister aux épreuves du bac, ou tout du moins de subir ces épreuves dans des conditions non optimales au succès du précieux sésame pour le chômage.
La ficelle est un peu grosse, et pour tout dire, ne nous fait plus rire. Nous qui empruntons régulièrement les trains, les usagers en fait[1], (en règle ou pas d'ailleurs) nous en avons plus qu'assez d'entendre des gens qui prétendent parler en notre nom, bien à l'abri dans leur salle de rédaction ou dans leur taxis.
C'est pourquoi nous pensons qu'il est légitime que nous ayons notre mot à dire dans ce conflit car il est bien entendu que la question des transports en général, et du train en particulier est éminemment politique et concerne TOUTE la société.
Mais au fait, pourquoi les cheminots font ils grève ?
Un rapide examen des revendications permet de comprendre que l'opposition à la loi ferroviaire discutée à partir du 16 juin se cristallise sur deux points principaux.
La séparation complète de la gestion des voies et des quais de celle de la vente de services et de la question du transport de voyageurs. La destruction du statut de cheminot, par l'élaboration d'une nouvelle réglementation du travail avec évidemment une dégradation de ces conditions (ben évidemment ! c'est la crise quand même !).
Tout cela pour préparer l'arrivée d'actionnaires qui piaffent d'impatience devant les sources de profits que constitue le marché du transport de voyageurs.
Certes nous direz vous mais en quoi cela nous concerne t-il ?
Hé bien c'est simple, les difficultés que nous rencontrons tous les jours dans notre utilisation de la SNCF ne devraient qu'empirer par exemple :
Notre train est actuellement arrêté en pleine voie pour votre sécurité merci de ne pas tenter de descendre des voitures ! C'est normal !!!
Les contrats entre les régions et la SNCF prévoient que celle ci paie des indemnités en cas de retard au départ des trains. Dès lors même si la SNCF sait que le train sera bloqué, il part, l'important étant de respecter l'horaire. Pour se décharger la SNCF pourra rejeter la responsabilité du blocage sur RFF, c'est à dire sur le réseau et les voyageurs en seront quittes pour admirer le paysage. La séparation entre RFF et SNCF permet ce genre de baratin et de mépris des usagers.
Autres raisons de ces pauses lors de nos voyages : la défaillance du matériel, le zéro stock (just in time en novlangue) fait que la réparation des rames est de plus en plus effectuée en prenant des pièces usagées sur une autre rame. D'accord, mais sauf qu'en l'absence de pièces neuves, le nombre de pannes augmente, et comme il n'est plus obligatoire, pour la SNCF de faire rouler des rames propres ou totalement fonctionnel cela ne peut aller qu'en empirant.
Troisième cause, la maintenance du réseau, l'accident de Brétigny-sur-Orge l'a montré la question de l'entretien des voies est cruciale, or il semble que les infrastructures et leur mode de gestion sont en train d'atteindre leur limites.
Que fait alors RFF ? Il augmente le prix du péage que la SNCF doit payer, dont le coût est évidemment répercuté sur le prix du billet !
Ce guichet est actuellement fermé, merci de vous diriger vers les bornes automatiques de ventes ! C'est normal !!!
Pour ceux qui achète (encore) des billets, il devient de plus en vital de maîtriser la science qu'est devenu le service de ventes de la SNCF, là encore pas de fatalité mais le résultat de décisions et de choix de l'entreprise. Il est par exemple impossible d'acheter un billet grandes lignes dans une gare de banlieue, normal, la SNCF, à cause de la régionalisation, a décidé de séparer les gares banlieues et TER des grandes lignes, pire elle a décidé que les personnels serait dédiés à l'un OU à l'autre, et enfin comme si cela ne suffisait pas les logiciels des automates de ventes ne sont pas compatible.
La loi ferroviaire prévoit d'accentuer cette séparation qui pourra aller jusqu’au correspondance entre deux trains grandes lignes, usagers prenez vos baskets il va falloir courir !
Gare vides, files immenses devant un guichet alors que d'autres postes de travail sont fermés ? C'est normal !!!
Selon le plan d'avenir prévu, les guichets devraient être petit à petit supprimés et remplacés par des automates de ventes, un moyen comme un autre de réduire la masse salariale, puisqu'on vous dit qu'il faut faire des économies. Et puis c'est bien connu désormais, tout le monde utilise Internet et son smart phone alors !
Voila un plan marketing bien huilé : on crée des files d'attentes, on renvoie les usagers vers les automates ou sur de la vente en ligne avec pour l'occasion quelques promos et hop le tour est joué ! Pendant ce temps là le soir dans les gares désertes sans aucune présence humaine personne ne vous entendra crier.
Accès interdit, toilettes hors services ? C'est normal !!!
Voitures dégueulasses, voitures surchauffées, toilettes en panne, pas de problème. Alors qu'une rame devait auparavant avoir l'ensemble de ses équipements en état de marche pour circuler, désormais la règle est d'isoler la voiture, dommage pour celui qui a réservé la mauvaise place. Pour un trajet inférieur à deux heures, la SNCF a obtenu que l'intégralité des équipements sanitaires ne soit plus obligatoirement fonctionnelle. A quand des pauses pipi dans les champs !
Les rames sont sales, encore faudrait elle qu'elle soit nettoyées. Or cela est rendu difficile pour deux raisons : d'abord elle doivent être immobilisés le moins de temps possible (rentabilité coco ! ren-ta-bi-li-té !), ensuite, les contrats de nettoyage passés entre la SNCF donneuse d'ordre et les sociétés sous traitantes réduises de plus en plus la qualité du service pour des question de coût.
Le progrès ne faut que s'il est partagé par tous ? mais pas pour les handicapés ! C'est normal !!!
Dernier point à relever l'hypocrisie de la SNCF quant aux voyageurs en situation de handicap. Pour ces voyageurs le train constitue souvent un moyen unique de voyager sur de longues distances. Or l'accessibilité est inscrite dans la loi mais la SNCF a réussi à obtenir tout un tas de dérogation. On pourrait multiplier les anecdotes relevées dans nos entourages proches mais la liste des condamnations de la SNCF pour des défauts et des discriminations dans son service aux voyageurs handicapés se suffit à elle même.
A titre d'exemple tout de même, si le contrôleur ne vous aide pas, c'est normal, il en a reçu l'ordre, c'est interdit, et ça peut constituer une faute professionnel en cas d'incident ! Pas d'aides en gare, normal, le personnel est supprimé, pour voyager merci de vous rendre dans une gare équipée.
Contrairement à ce que veut faire croire la direction, ce ne sont pas des problèmes techniques, qui ont repoussé les travaux mais bien un refus d'investir dans ce domaine.
La SNCF semble de plus en plus préoccupé de son avenir en tant que groupe industriel et financier que comme service public de qualité accessible à tous. La course au profit, le fric semble être devenu la seule motivation de la SNCF. Economiser toujours, taxer et vendre des services pas forcément utiles mais qui rapportent un maximum voilà la politique de l'entreprise. C'est pourtant l'argent public qui a financé, construit l'entreprise qui doit aujourd'hui s'ouvrir à la concurrence. A l'image des autoroutes, on applique le même principe, socialiser les pertes, privatiser les profits. La conséquence pour les voyageurs sera évidente, la dégradation du service pour un coût du voyage, qui devrait augmenter.
C'est cela aussi que les cheminots entendent combattre avec leur mouvement de grève.
Nous sommes à leur cotés.
Des usagers pas moutonniers
[1] Il y aurait tellement à dire sur ce terme que la place nous manque, signalons que pour nous l'usager se distingue du client comme du consommateur. Ainsi c'est l'usage qui révèle la fonction.