D’abord, les agent·es de contrôle et le service public ont été mis en confinement forcé, sans outils fonctionnels pour le travail à distance et le plus souvent sans redirection des appels téléphoniques pour permettre aux salariés qui auraient des urgences à signaler de le faire.
Ensuite est venu le temps des menaces, avec une note de la direction générale du travail qui a interdit les contrôles inopinés en entreprise et rendu obligatoire la validation préalable de toute action significative de l’agent·e par sa hiérarchie.
En dépit de ces pressions, de nombreux·ses agent·es de contrôle ont répondu aux sollicitations des salarié·es en danger et exposés au virus au travail. Dans l’industrie, dans la logistique, dans la grande distribution, dans le secteur médico-social, des contrôles ont été effectués, des mises en demeure prononcées et surtout des référés ont été gagnés.
Il ne faut pas que les décisions fassent tâche d’huile
Dans le Nord, une inspectrice du travail a contraint, par la procédure d’urgence en référé, un des plus gros employeurs du secteur de l’aide à domicile du département, l’ADAR, de prendre des mesures pour protéger les salarié·es.
A Reims, l’ARADOPA est une association du secteur de l’aide à domicile née en 1957 qui emploie 330 personnes (1) à temps plein (un temps plein dans ce secteur, c’est 110 h, pas question de payer des heures de déplacement) dont la moitié est actuellement en activité.
Les salariés déposent, vendredi 10 avril, un droit d’alerte pour danger personnel et pour les familles dans lesquelles elles interviennent, car elles sont potentiellement vecteurs du virus. Dans l’entreprise, il existe une tension de longue date. La déléguée FO était en droit de retrait depuis novembre 2019.
L'inspecteur du travail Anthony Smith dépose un référé mardi 14 avril, sachant qu’il y avait le droit d’alerte. Habituellement, le ministère du Travail ne communique pas sur la suspension d’un de ses agents. Le jeudi 18 avril au soir, le Ministère du travail justifie la suspension à titre conservatoire d'Anthony Smith, sans le citer : "Cette décision, justifiée par l’intérêt du service, intervient à la suite de plusieurs faits considérés comme fautifs. L’agent concerné a méconnu de manière délibérée, grave et répétée les instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de Covid-19."
Pour le Ministère, l'inspecteur du travail marnais a dépassé le cadre de sa fonction : "Cet agent a par exemple enjoint aux employeurs des conditions de maintien d’activité non conformes aux prescriptions des autorités sanitaires. Il est intervenu hors de sa compétente territoriale [...]"
Il apparaît, selon un journal local, que l’ordre de cette procédure de suspension vienne directement de la direction départementale de l’inspection du travail, en collaboration avec le patron de l’association : “la responsable départementale de la Direccte de la Marne a ainsi ouvertement invité par écrit l’employeur à faire obstacle au contrôle engagé en lui conseillant de ne plus répondre aux sollicitations de l’inspecteur du travail et de «mettre cette correspondance de côté». L’employeur s’est même enquis par courriel du 11 avril 2020, soit avant que notre collègue ne soit informé de son existence, de l’avancement de la procédure disciplinaire en ces termes éloquents : «où en êtes-vous de la procédure le concernant ?».
Ce n’est pas hasard qu’Anthony est sanctionné
Anthony Smith, inspecteur du travail du département de la Marne, ancien secrétaire général de la CGT TEFP (Travail Emploi Formation Professionnelle), membre de son bureau national et représentant des inspecteur-trices du travail au Conseil national de l’inspection du travail.
Ce n’est pas la première fois qu’il y a des tentatives de sanction à son encontre, mais c’est difficile envers le secrétaire général d’un syndicat.
Anthony était candidat aux dernières municipales à Chalons-en- Champagne sur la liste Les Châlonnais-es ensemble à gauche, lors des dernières élections municipales. Alors, règlement de compte politique ?, se demande un journaliste.
Anthony Smith est pour le moment suspendu de ses fonctions "dans l’intérêt du service", précise le ministère, et à titre conservatoire, dans l’attente de la mise en œuvre d’une possible sanction disciplinaire. Pour l’instant, il continue à toucher son salaire.
Quel est l’objectif du gouvernement ?
Avec ces pressions et ces sanctions, le gouvernement affiche clairement son objectif : la poursuite de l’activité économique à tout prix. La priorité de Muriel Pénicaud, ce n’est pas la protection des salarié·es.
Et la priorité du gouvernement, ce n’est pas non plus de s’intéresser réellement aux sorts des soignants. Dans le secteur de l’aide à domicile en particulier, les salarié·es sont sous-payées, souvent à temps partiel et sont en première ligne aux côtés des plus fragiles.
Alors ce que ne veut surtout pas le Gouvernement c’est que les tribunaux, et plus largement l’opinion publique, s’aperçoivent que derrière les grands discours appelant à l’unité nationale et au soutien des soignants, on laisse en réalité les aides à domicile s’exposer au virus et, en même temps, on laisse inévitablement le virus se propager et faire des victimes chez les plus vulnérables.